De souvenirs lointains en enquêtes érudites, l’histoire du domaine distille lentement ses secrets. Pour lever le voile, c’est la piste d’un nom qu’il faut suivre. Casteau Dauzone, Château Dosone, Château Ausone : au gré des siècles, la langue révèle un hommage inchangé au poète latin.
I. À l’ombre du poète
Des mémoires antiques
Decimus Magnus Ausonius excella toute sa vie dans l’art oratoire. Du professorat à la littérature, en passant par la politique, sa verve jouit d’une immense réputation dans la Gaule romaine. Promu précepteur puis consul de l’empereur Gratien, il navigua sans cesse entre l’exercice du pouvoir et l’écriture. Sa poésie, considérée comme l’une des plus brillantes du début de notre ère, fut l’une des premières à célébrer Bordeaux et son vin. Enfant de la vigne, Ausone en fut aussi le chantre incontesté.
L’empreinte laissée par Ausone dans le bordelais attise depuis longtemps l’intérêt des historiens. Dès la fin du XVIe siècle, on se met en quête de retrouver le plus somptueux de ses domaines, le Lucaniacum, dont le vin était loué par le poète. Aujourd’hui, il fait peu de doute que cette propriété existait à l’endroit même où rayonne le château actuel.
Ausone écrivain, Ausone vigneron : entre rêverie archéologique et filiation littéraire, l’homme semblait destiné à léguer son nom, rayonnant, au monde du vin. Que le domaine s’en saisisse à la fin du XVIe siècle pour faire baptême était de bel augure. Sous la tutelle du poète, une haute ambition se dessine : celle de poursuivre l’expression, en gestes comme en mots, du meilleur de la vigne.